Suzanne Valadon, une portraitiste dissidente au centre Pompidou
Fleuriste, nourrice, serveuse, acrobate, modèle, et définitivement peintre, Suzanne Valadon est l’une des rares femmes du début du XXe siècle à s’imposer parmi les avant-gardes sans n’appartenir à aucun mouvement. Jusqu’au 26 mai 2025, le centre Pompidou rend hommage à l’artiste dans une monographie qui laisse quelques zones d’ombre. On y découvre toutefois ses talents […]
Fleuriste, nourrice, serveuse, acrobate, modèle, et définitivement peintre, Suzanne Valadon est l’une des rares femmes du début du XXe siècle à s’imposer parmi les avant-gardes sans n’appartenir à aucun mouvement. Jusqu’au 26 mai 2025, le centre Pompidou rend hommage à l’artiste dans une monographie qui laisse quelques zones d’ombre. On y découvre toutefois ses talents de portraitiste, à travers une palette vive et des figures élégamment cernées, mais aussi une représentation sensible du sujet, débarrassé de tout artifice et pénétré dans son intimité.
Une femme peinte par une femme
L’exposition s’ouvre sur le chef-d’oeuvre de Suzanne Valadon, La Chambre bleue, peint en 1923. Une femme peinte par une femme, allongée nonchalamment sur son lit bleu, vêtue d’un pyjama rayé, maintenant une cigarette entre ses lèvres. La silhouette charnue n’a rien de sensuel ni d’érotique, elle se libère de toute idéalisation. Cette exigence d’un réalisme des corps poursuivra toute l’oeuvre de l’artiste : “La vraie théorie, c’est la nature qui l’impose”, pourra-t-on lire dans l’un de ses écrits exposés au fil du parcours.
Mais ce n’est pas tout. Plus loin, son dernier autoportrait daté de 1931 la représente à un âge avancé, le torse dénudé, les seins tombant vers le sol et les yeux cernés. Il s’agit là du premier portrait d’une artiste âgée nue connu à ce jour. Cette recherche autour de la représentation de la vieillesse féminine, elle la poursuivra dans ses portraits de famille, en traçant des rides sinueuses sur le visage de sa mère. Il y a sans nul doute chez Valadon une conviction personnelle, qui éloigne sa peinture de tout mouvement de son époque.
Une remarquable portraitiste
Suzanne Valadon excelle bien en une chose : l’art du portrait. À travers un parcours labyrinthique, le centre Pompidou dévoile ses dessins dans de petites galeries sombres. Portraits sévères de son fils Maurice Utrillo, silhouette d’enfants, nus féminins ou masculins… le trait est net, précis, appuyé, et les formes courbes rappellent les cernes des estampes japonaises. À une époque où les écoles refusaient aux femmes de peindre la nudité masculine, Valadon est parmi les premières à esquisser plusieurs nus de ses amants, rares illustrations du corps d’un homme désiré par une femme.
Mais l’artiste est aussi une excellente coloriste, témoignant de la personnalité de ses modèles à travers la palette vive et les tissus ornementés : Mauricia Coquiot, vedette de cirque au fort caractère, est fièrement vêtue d’une robe aux rayures vertes ; une anonyme à la peau blanche s’étend nue sur un canapé rouge criard. Le portrait dévoile, fait voir ce qui ne se dit pas : “Je peins les gens pour apprendre à les connaître”, affirme l’artiste.
Un mystère persiste
On peut reconnaître à cette exposition plusieurs riches idées. En premier lieu, introduire quelques tableaux des artistes masculins pour lesquels Suzanne Valadon a été modèle, amie ou amante, sans s’y attarder davantage – à ce propos, on est amusé de découvrir dans le parcours un portrait de la peintre griffonné par son amant… Erik Satie. Une autre joie s’exprime face aux quelques textes, lettres et documents de l’artiste – on retient notamment une lettre dans laquelle elle affirme : “J’ai dessiné follement pour que quand je n’aurais plus d’yeux j’en aie au bout des doigts”.
On regrette toutefois un manque de vision d’ensemble, tant sur la vie de l’artiste que sur celle de son oeuvre. Au fil des thématiques, on aimerait déceler la colonne verticale de ses recherches, s’attarder sur la véritable modernité d’une femme qui peint, au début du XXe siècle, des corps masculins ou féminins avec le plus grand naturel. On sort, certes, impressionné par la force de ses toiles, mais étonnamment, la figure de Valadon reste entourée d’un certain mystère.
Romane Fraysse
Suzanne Valadon
Centre Pompidou
Place Georges-Pompidou, 75004 Paris
Jusqu’au 26 mai 2025
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Image à la une : Suzanne Valadon, La Chambre bleue, 1923 – © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Jacqueline Hyde/ Dist. GrandPalaisRmn
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