Protection ou risque de cancer ? Les contraceptifs longue durée auraient les mêmes effets que la pilule, selon une étude australienne

Une étude suggère que les contraceptifs hormonaux longue durée (de type implant, anneau vaginal, stérilet, etc.) auraient les mêmes effets protecteurs ou à risque vis-à-vis du cancer que la pilule.

Jan 14, 2025 - 18:18
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Protection ou risque de cancer ? Les contraceptifs longue durée auraient les mêmes effets que la pilule, selon une étude australienne
Une étude qui a porté sur plus d’un million d’Australiennes a cherché à savoir si les contraceptifs hormonaux réversibles à longue durée d’action affectaient le risque de cancers invasifs. Peakstock/Shutterstock

Alors que le débat sur les contraceptifs hormonaux et les risques de cancers n’est toujours pas tranché, une étude sur une cohorte australienne suggère que les contraceptifs longue durée (type implant, anneau vaginal, stérilet hormonal, etc.) auraient les mêmes effets que la pilule. Ils seraient protecteurs contre certains cancers et augmenteraient les risques pour d’autres.


De nombreuses femmes craignent que les contraceptifs hormonaux aient des effets secondaires dangereux, notamment un risque accru de cancer. Mais cette perception est souvent disproportionnée par rapport aux risques réellement encourus.

Que dit la recherche sur le risque de cancer chez les utilisatrices de contraceptifs ? Ce risque est-il différent si, au lieu de la pilule, des contraceptifs réversibles à longue durée d’action sont utilisés, tels que des dispositifs intra-utérins ou DIU (appelés de manière impropre stérilets, NDLR) hormonaux (type Mirena), des implants insérés sous la peau ou des injections ?

Nous nous sommes penchés sur cette question via notre nouvelle étude, pilotée par l’Université du Queensland et l’Institut de recherche médicale QIMR Berghofer et publiée dans le Journal of the National Cancer Institute.

En ce qui concerne le risque de cancer, nos résultats indiquent que les contraceptifs à longue durée d’action semblent être aussi sûrs que la pilule (ce qui est une bonne nouvelle), mais pas nécessairement plus sûrs que cette dernière.

(Concernant les pilules contraceptives l’Institut du cancer français indiquait en septembre 2023 que « les débats se poursuivent sur l’augmentation du risque de développer certains cancers pouvant être liés à la prise de ces médicaments ». L’INCa jugeait aussi que « les nouveaux contraceptifs hormonaux (timbre, anneau vaginal, implant cutané, injection) sont d’apparition trop récente pour qu’on puisse évaluer leur risque potentiel avec assez de recul », NDLR).

Une femme se fait implanter un contraceptif hormonal
Certains contraceptifs hormonaux longue durée prennent la forme d’implants insérés sous la peau. WiP-Studio/Shutterstock

Quel est l’impact de la pilule contraceptive sur le risque de cancer ?

Le Centre international de recherche sur le cancer, qui compile les données sur les causes du cancer, a conclu que les contraceptifs oraux ont des effets mitigés sur le risque de cancer.

L’utilisation de la pilule contraceptive orale :

  • augmente légèrement le risque de cancer du sein et du col de l’utérus à court terme, mais

  • réduit considérablement le risque de cancer de l’utérus et des ovaires à plus long terme.

Nos travaux antérieurs avaient montré que la pilule permet de prévenir beaucoup plus de cancers qu’elle n’en provoque. Nous avions estimé qu’en 2010, l’utilisation de la pilule contraceptive orale a permis d’éviter plus de 1 300 cas de cancers de l’endomètre et de l’ovaire chez les Australiennes.

La pilule a également évité près de 500 décès dus à ces cancers en 2013. Cela représente une réduction d’environ 25 % des décès qui auraient pu survenir cette année-là, si les femmes n’avaient pas pris la pilule.

En revanche, nous avons calculé que la pilule pourrait avoir contribué à environ 15 décès par cancer du sein en 2013, ce qui représente moins de 0,5 % de tous les décès par cancer du sein survenus cette même année.

Une femme sort une pilule contraceptive d’une plaquette.
Des travaux antérieurs ont montré que la pilule prévenait beaucoup plus de cancers qu’elle n'en provoquait. Image Point Fr

Quid des contraceptifs réversibles à longue durée d’action et du risque de cancer ?

Les contraceptifs réversibles à longue durée d’action – qui comprennent les dispositifs intra-utérins ou DIU, les implants insérés sous la peau et les injections – libèrent des hormones semblables à la progestérone.

Il s’agit de contraceptifs très efficaces qui peuvent durer de quelques mois (injections) à sept ans (dispositifs intra-utérins).

Il est important de préciser qu’ ils ne contiennent pas d’œstrogène, une hormone qui peut être responsable de certains effets secondaires de la pilule (y compris, peut-être, d’un risque plus élevé de cancer du sein).

(Certains contraceptifs à longue durée d’action vendus en France, comme l’anneau vaginal ou le patch, contiennent des associations d’hormones, progestérone et oestrogènes, NDLR).

L’utilisation de ces contraceptifs à longue durée d’action a doublé au cours de la dernière décennie, alors que l’utilisation de la pilule a diminué. Il est donc important de savoir si ce changement pourrait affecter le risque de cancer chez les Australiennes.


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Via notre nouvelle étude, qui porte sur plus d’un million d’Australiennes, nous avons cherché à savoir si les contraceptifs réversibles à longue durée d’action affectaient le risque de cancers invasifs. Nous avons comparé les résultats obtenus suite à la prise de contraceptifs à longue durée d’action à ceux résultant de la prise de pilule contraceptive orale.

Nous avons pour cela utilisé les dossiers médicaux anonymisés d’Australiennes âgées de 55 ans ou moins en 2002.

Au sein de ce groupe, environ 176 000 femmes ont reçu un diagnostic de cancer entre 2004 et 2013 (les plus âgées d’entre elles avaient alors 67 ans). Nous avons comparé l’utilisation de contraceptifs hormonaux chez ces femmes atteintes d’un cancer à celle de femmes n’ayant pas eu de cancer.

Nous avons constaté que, sur le long terme, les utilisatrices de tous les types de contraception hormonale avaient un risque inférieur d’environ 70 % de développer un cancer de l’endomètre dans les années qui suivaient l’utilisation d’une contraception hormonale. En d’autres termes, le risque de développer un cancer de l’endomètre est nettement plus faible chez les femmes qui ont pris une contraception hormonale que chez celles qui n’en ont pas pris.

Nous avons constaté une réduction du risque de cancer de l’ovaire de 50 % chez les femmes qui utilisaient sur le long terme un dispositif intra-utérin (stérilet) contenant des hormones (par rapport à celles qui ne prenaient pas de contraception hormonale).

La réduction du risque n’était pas aussi marquée avec les implants ou les injections, mais seul un petit nombre d’utilisatrices de ces produits sur le long terme ont développé ces types de cancers dans notre étude.

Comme le risque de cancer de l’endomètre et de l’ovaire augmente avec l’âge, il sera important d’examiner son évolution chez ces femmes à mesure qu’elles vieillissent.

Qu’en est-il du risque de cancer du sein ?

Nos résultats suggèrent que le risque de cancer du sein encouru par les femmes qui utilisent actuellement des contraceptifs à longue durée d’action est similaire à celui auquel sont exposées les utilisatrices de la pilule.

Cependant, l’injection contraceptive n’était associée à une augmentation du risque de cancer du sein qu’après cinq ans d’utilisation. Et cet accroissement du risque cessait lorsque les femmes arrêtaient d’utiliser cette contraception.


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Nos résultats suggèrent que le risque de cancer du sein diminue également après l’arrêt de l’utilisation des implants contraceptifs.

Pour déterminer si c’est également le cas pour le dispositif intra-utérin, nous devrons suivre les femmes plus longtemps.

Il convient de souligner que le risque de cancer du sein associé à tous les contraceptifs hormonaux est très faible.

Environ 30 femmes sur 100 000 âgées de 20 à 39 ans développent un cancer du sein chaque année. L’utilisation d’un contraceptif hormonal ne ferait augmenter ce chiffre que de 36 cas sur 100 000.

(Les chiffres du cancer du sein en France, NDLR).

Qu’en est-il des autres cancers ?

Notre étude n’a pas montré de relation cohérente entre l’utilisation de contraceptifs et d’autres types de cancers. Cependant, nous n’avons examiné que les cancers invasifs (c’est-à-dire ceux qui se développent à partir d’un site primaire, mais qui peuvent se propager à d’autres parties du corps).

Une étude française récente a révélé que l’utilisation prolongée de contraceptif par injection de progestérone augmentait le risque de méningiome (un type de tumeur cérébrale bénigne).

Cependant, les méningiomes sont rares, en particulier chez les jeunes femmes. On relève environ deux cas sur 100 000 chez les femmes âgées de 20 à 39 ans. Le nombre supplémentaire de cas liés à l’utilisation d’injections contraceptives est donc faible.

L’étude française a montré que le dispositif intra-utérin hormonal n’augmentait pas le risque de méningiome (mais elle n’a pas examiné les implants contraceptifs).

Bénéfices et effets secondaires

Tous les médicaments, y compris les contraceptifs, ont non seulement des aspects bénéfiques, mais aussi des effets indésirables. Il est toutefois important de souligner que les effets secondaires très graves sont rares.

Au moment de prendre une décision, discuter avec votre médecin des potentiels effets indésirables ainsi que de la balance bénéfices/risques peut constituer un bon point de départ.The Conversation

Susan Jordan a reçu des financements du National Health and Medical Research Council australien et de Cancer Australia.

Karen Tuesley a reçu des financements du National Health and Medical Research Council australien.

Penny Webb a reçu des financements du National Health and Medical Research Council australien, de Cancer Australia et du Medical Research Futures Fund. Par le passé, elle a bénéficié d'une subvention d'Astra Zeneca pour une étude qui n’est pas liée aux travaux présentés ici.

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