Comment conserver les arômes du vin, malgré le réchauffement climatique
Le réchauffement climatique va conduire à la production de raisins plus sucrés, ce qui va augmenter le degré alcoolique des vins, alors que les consommateurs ont envie de boissons plus légères.
Le réchauffement climatique va conduire à la production de raisins plus sucrés ce qui va augmenter mécaniquement le degré alcoolique des vins, alors que les consommateurs ont envie de boissons plus légères. Des recherches sont en cours pour maîtriser la fermentation et obtenir des vins de qualité.
Du fait du changement climatique, notamment la hausse des températures et la sécheresse, la qualité des raisins, matière première de la fabrication du vin, évolue.
D’une part, en raison d’une maturité plus importante et d’un dessèchement partiel des raisins, le taux de sucre des raisins augmente et conséquemment le degré d’alcool des vins (car la teneur finale en alcool du vin est directement proportionnelle à la teneur en sucre du jus de raisin). D’autre part les teneurs en éléments nutritifs (azote, lipides, vitamines, minéraux) présents dans le raisin et utilisés par les levures lors de la fabrication du vin sont modifiées, avec des conséquences sur la production d’arômes au cours de la fermentation alcoolique.
En effet, une part importante des arômes impliqués dans le goût des vins est produite par les levures (Saccharomyces cerevisiae) au cours de la fermentation. Donc, une modification de la composition de la matière première va avoir un impact direct sur la synthèse des arômes et donc le goût du vin.
Une évolution vers des vins plus fruités et légers
Ainsi, dans ce contexte de changement climatique, comment peut-on continuer à produire des vins de qualité, qui répondent aux goûts actuels des consommateurs et à l’évolution du marché vers des vins plus fruités, aromatiques et légers ?
Nous travaillons sur tout type de vin. Nos activités de recherche (menées au sein de l’Inrae à Montpellier et à Gruissan) se concentrent sur le développement de stratégies innovantes de contrôle du procédé fermentaire pour optimiser la production d’arômes par la levure dans les vins (maximisation des arômes positifs et limitation des défauts organoleptiques).
Ces stratégies sont basées sur l’utilisation de levures sélectionnées et une gestion optimale de l’apport en nutriments pour optimiser la production d’arômes par la levure. Notre travail consiste à mieux comprendre le rôle des différents facteurs et à proposer les meilleures stratégies possibles.
La fermentation alcoolique : de la chimie fine
Lors de la fermentation alcoolique, la levure transforme majoritairement les sucres du jus de raisin en éthanol et gaz carbonique. La levure produit également un nombre important de molécules volatiles, notamment les arômes fermentaires tels que les esters qui sont majoritairement responsables des notes fruitées des vins.
La synthèse de ces arômes dépend de plusieurs facteurs : souche de levure, température de fermentation, nutriments naturellement présents dans le jus de raisin ou rajoutés en cours de procédé (sucres, lipides, azote, vitamines). L’enjeu majeur est de trouver la combinaison optimale entre ces différents facteurs pour obtenir un vin ayant une qualité aromatique adaptée à la demande des consommateurs.
Des études menées en laboratoire ont permis de démontrer l’importance de l’ajout de nutriments et de la gestion de la température sur le déroulement de la fermentation et sur la production des arômes. Les interactions entre les différents facteurs complexifient la compréhension des mécanismes mis en jeu.
À titre d’exemple nos travaux de recherche ont démontré le rôle clé des nutriments azotés dans la production de l’acétate d’isoamyle, composé impliqué dans l’arôme de banane et de fruits frais, qui sont des arômes recherchés pour les vins légers et fruités.
Il apparaît qu’un ajout d’azote à mi-fermentation est plus efficace qu’un ajout initial en quantité identique. Cependant, il existe de fortes interactions entre les effets de l’azote, des lipides et de la température ; il est donc nécessaire d’avoir une gestion combinée de ces différents facteurs pour maximiser la teneur finale de cet arôme positif dans les vins.
La qualité aromatique d’un vin n’étant bien sûr pas liée à la seule présence de l’acétate d’isoamyle mais à un nombre important d’autres molécules volatiles, il est nécessaire d’avoir une vision globale de la production des différents arômes au cours de la fermentation.
Donc, pour avoir une compréhension plus précise de la fermentation alcoolique, nous avons développé des capteurs en temps réel permettant un suivi simultané de la bioconversion du sucre en éthanol et de la production d’arômes par les levures dans les cuves de vinification.
Ces capteurs ont permis d’acquérir des données sur les cinétiques de production des arômes tout au long de la fermentation, ce qui est beaucoup plus utile et intéressant que la simple acquisition des concentrations finales des molécules d’intérêt et qui permet de maîtriser la production de tous les arômes au fur et à mesure de la fermentation.
Les données générées ont permis de développer une modélisation mathématique prédisant les effets des différents paramètres de fermentation (azote, gestion de la température) sur le déroulement de la fermentation et donc la production des arômes associés.
Contrôler très finement la fermentation
Ce modèle mathématique nous permet de développer des stratégies innovantes de contrôle du procédé de fermentation. Il devient ainsi possible de maximiser la teneur en tel ou tel arôme positif et aussi de définir une stratégie de contrôle en temps réel du procédé permettant d’obtenir une valeur cible pour un groupe de molécules d’arôme souhaitées.
Dans ce dernier cas, l’idée est de garantir au consommateur une qualité aromatique du vin, en essayant de limiter l’effet millésime et/ou de gérer au mieux l’impact du changement climatique et des accidents climatiques – grêle, inondations, etc. – par une adaptation du procédé de production.
La filière viti-vinicole est aujourd’hui confrontée à une crise multifactorielle : baisse de la consommation, perte de compétitivité sur les marchés internationaux, aléas et changement climatique… La recherche doit proposer des solutions pour lui permettre une meilleure résilience dans cette période défavorable. Le transfert aux acteurs de la filière de nos travaux de recherche sur des stratégies innovantes de conduite du procédé fermentaire en est un exemple.
Evelyne Aguera a reçu des financements de l'ANR.
Mouret Jean-Roch a reçu des financements de l'ANR
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