Maria Callas : qu’est-il arrivé à sa voix unique ?
Dans « Maria », le nouveau film de Pedro Larraín, Angelina Jolie interprète la chanteuse d’opéra Maria Callas, dont la voix s’est très vite détériorée. Retour sur les raisons possibles de cette altération.
Sorti en salles le 5 février, Maria, le nouveau biopic du réalisateur chilien Pablo Larraín sur l’illustre soprano Maria Callas est le troisième volet de sa trilogie sur les femmes d’exception. Angelina Jolie incarne cette artiste dont la carrière, aussi fulgurante que vénérée, continue de fasciner le monde de l’opéra. Mais pourquoi l’une des chanteuses d’opéra les plus talentueuses du XXe siècle eut une carrière si courte ?
Maria Callas fit ses débuts alors qu’elle n’avait que 18 ans, à Athènes, en pleine guerre, dans Tosca de Puccini. Sa détermination naquit d’un profond sentiment d’insécurité. Issue d’un milieu modeste, elle était jugée ronde et pas très jolie, même par sa propre famille.
Sa voix, fruit d’un entraînement intensif, était louée pour sa beauté par certains et trouvée sèche, voire disgracieuse, par d’autres. Aucun consensus ne régnait non plus sur les notes les plus remarquables de sa tessiture de trois octaves : certains critiques considéraient qu’elle était meilleure dans les aigus, d’autres dans les graves.
Même Callas n’appréciait pas sa propre voix, la décrivant comme quelque chose dont elle avait fini par accepter les limites. Presque aveugle en raison d’une myopie sévère, elle se retrouvait isolée du public sur scène et était souvent qualifiée de rêveuse.
Pourtant, elle construisit une carrière d’opéra fulgurante en misant sur les points forts de sa voix : une expressivité et une émotion véritablement poignantes. Maria Callas redonna à l’opéra sa dimension originelle, en offrant une interprétation dramatique d’une histoire, mêlant chant et jeu d’acteur minutieux.
La nature transformatrice de ses interprétations fut telle que certains ont dit en plaisantant que l’opéra se diviserait désormais en deux grandes périodes : avant Callas (BC) et après Callas (AC).
Un déclin de sa voix à 33 ans
Elle s’est vu attribuer une réputation imméritée de diva aux accès colériques. Ses exigences pointilleuses la conduisaient parfois à annuler des représentations, voire à s’en retirer si elle estimait ne pas être à la hauteur. Une détérioration de la voix de Callas fut en fait constatée dès 1956, alors qu’elle n’avait que 33 ans. Ce déclin s’accentua au fil du temps, rendant impossibles les arias techniques qu’elle maîtrisait autrefois, jusqu’à réduire sa voix à l’ombre de ce qu’elle avait été.
Récemment, une étude a quantifié les différences audibles entre ses enregistrements de Tosca et de Nabucco, réalisés avec un écart d’une décennie. Les chercheurs ont constaté que sa voix était devenue de plus en plus aiguë, irrégulière et instable.
Les raisons du déclin de cette voix emblématique font l’objet de vifs débats dans le monde de l’opéra. Certains ont imputé ce déclin au chagrin d’avoir perdu Aristotle Onassis, parti avec Jackie Kennedy. D’autres y voient la conséquence d’avoir trop poussé sur sa voix, trop tôt, dans ses performances. Nombre de ses premiers rôles, très exigeants techniquement, lui auraient été préjudiciables.
Sa technique remarquable, axée sur l’intonation pour accentuer l’effet dramatique de son chant, pourrait également avoir contribué au durcissement de ses cordes vocales. Ces replis membranaires vibrent au passage de l’air expulsé de nos poumons, donnant naissance à la voix ou au son musical.
Le régime alimentaire de Callas pourrait également avoir joué un rôle. Souhaitant ressembler à Audrey Hepburn, elle perdit une quantité impressionnante de poids (plus de 35 kg) lorsqu’elle avait une vingtaine d’années. Certains ont même raconté qu’elle aurait ingéré des vers solitaires pour y parvenir.
Cette perte de poids spectaculaire, semblable à celle obtenue par les régimes rapides d’aujourd’hui, aurait pu entraîner une diminution de sa masse musculaire. Or, la voix est le fruit d’une action musculaire, tout comme la flexion d’un biceps. Le mouvement et la vibration des cordes vocales dépendent de l’action de différents groupes de muscles du larynx, qui les étirent ou les tendent, à l’image des cordes d’une harpe ou d’un violon, et qui peuvent également les ouvrir ou les fermer.
La perte de muscle laryngé induite par ses régimes extrêmes pourrait ainsi être en partie responsable de l’affaiblissement de sa voix.
Un autre indice pourrait se trouver dans un rapport publié plus de 25 ans après le décès de Callas, rédigé par un médecin qui l’avait suivie dans ses dernières années, alors qu’elle vivait à Paris. Elle avait alors tendu ses mains pour montrer comment elles étaient passées de « celles de Floria Tosca » à « celles d’un ouvrier ».
Callas atteinte de dermatomyosite ?
Ce qu’elle montrait, c’était l’aspect rugueux, enflé et marqué de taches violettes de ses mains, caractéristiques de la dermatomyosite. Il s’agit d’une maladie du tissu conjonctif qui provoque une inflammation tant au niveau de la peau que des muscles.
Elle avait le même type d’éruption cutanée pourpre au cou, et sa posture voûtée ainsi que sa voix affaiblie (également appelée dysphonie) constituaient d’autres signes caractéristiques de cette affection. Après avoir traité l’inflammation avec du corticostéroïde prednisolone, Callas constata quelques améliorations. Hélas, elles furent de courte durée.
Callas est décédée à Paris, en 1977, d’une crise cardiaque. Elle avait 53 ans.
Maria Callas est célèbre pour avoir su transformer ses imperfections en quelque chose de véritablement magique. Angelina Jolie aurait suivi sept mois de cours d’opéra pour le film, pour lequel elle a été nominée aux Golden Globes. L’interprétation vocale qu’elle offre dans Maria reproduit-elle cet exploit ? Réponse dans les salles.
Dan Baumgardt ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.