Le chemsex, c’est drogues, sexe et désinhibition : quels sont les risques ?

Le chemsex, qui consiste à utiliser certaines drogues pour intensifier et prolonger les rapports sexuels, peut affecter la santé physique (attention au risque d’infection VIH ou autre IST) et mentale.

Jan 29, 2025 - 00:13
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Le chemsex, c’est drogues, sexe et désinhibition : quels sont les risques ?
Les substances les plus couramment utilisées dans le chemsex sont la méthamphétamine, la méphédrone (composée de 4MMC), la kétamine et le GHB (acide gamma-hydroxybutyrique). Marc Bruxelle/Shutterstock

Le chemsex, cette pratique qui consiste à utiliser certaines substances psychoactives pour intensifier et prolonger les rapports sexuels, peut affecter la santé physique – du fait notamment d’une augmentation des comportements sexuels à risque – mais aussi la santé mentale.


Ce qui s’est passé la veille reste flou, sans que l’on ait la gueule de bois. L’assiette de médicaments est encore sur la table. Au cours de cette nuit-là, les inhibitions ont disparu et le plaisir sexuel a semblé illimité.

Pour beaucoup, c’est la promesse du chemsex. Cependant, derrière cette revendication de liberté et de plaisir, se cache une réalité faite de risques pour la santé, de vulnérabilité et de dépendance.

Le chemsex fait référence à l’utilisation de substances psychoactives spécifiques pour améliorer ou prolonger les expériences sexuelles. Il est principalement pratiqué par les personnes homosexuelles, bisexuelles et les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes.

Les substances les plus couramment utilisées sont la méthamphétamine, la méphédrone [composée de 4-Methylmethcathinone (4MMC), NDLR], la kétamine ou l’acide gamma-hydroxybutyrique (GHB, communément appelé « squirt »). L’objectif est d’atteindre l’extase pendant les rapports sexuels et d’en prolonger la durée, souvent en administrant les drogues par injection (slam), avec les risques que cela comporte.


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Risques physiques et psychologiques

La pratique du chemsex peut avoir les conséquences négatives suivantes :

  • des effets sur la santé physique. Le chemsex est lié à une augmentation des comportements sexuels à risque, ce qui peut accroître les taux de transmission du VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles (IST). Les participants ont souvent des rapports sexuels avec plusieurs partenaires en même temps et parfois pendant des périodes prolongées, ce qui exacerbe ce potentiel de transmission.

  • une dégradation de la santé mentale : souvent, les personnes qui s’adonnent au chemsex sont stigmatisées, stressées, voire culpabilisées ou se sentent seules. D’autre part, il convient d’évaluer les raisons qui poussent à s’engager dans le chemsex.


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Les usagers de drogues peuvent ressentir une fatigue physique et mentale, des idées suicidaires, une psychose, un comportement agressif ou risquer une overdose due à la perte de contrôle. (L’intoxication aiguë par GHB ou GBL peut entraîner une perte de conscience appelée « G-hole » dont la traduction littérale est « trou G », NDLR.)

Pourquoi les gens ne demandent-ils pas de l’aide ?

Les personnes qui pratiquent le chemsex se sentent souvent insuffisamment accompagnées ou incomprises. Dans ces situations, on peut parler de barrières dans l’accès aux soins dues à :

  • Une stigmatisation et une discrimination fondées sur la consommation de drogues, l’orientation sexuelle ou les pratiques. Le jugement et le manque de compétence culturelle des professionnels de santé eux-mêmes sont à l’origine de cette situation.

  • Des obstacles juridiques et sociaux, du fait de la consommation de substances qui font l’objet de poursuites judiciaires, ce qui entraîne une stigmatisation sociale.

  • Un manque de connaissances des consommateurs comme des professionnels de santé. Les premiers par méconnaissance des effets de ces substances et des activités qui y sont liées, les seconds par méconnaissance des situations d’urgence liées aux surdoses de méthamphétamine ou de GHB.

  • Des questions liées à l’accessibilité, au financement et au manque de pluridisciplinarité des services. Chaque professionnel est responsable de sa propre spécialité et il n’existe pas de structures qui couvrent l’ensemble des connaissances. Et quand elles existent, l’argent manque pour mener des actions.

Comment pouvons-nous agir ?

En tant que citoyens, nous pouvons aider et faire beaucoup. Mais nous devons tenir compte de différents facteurs :

  • Des interventions coordonnées sont nécessaires. Il n’existe pas d’interventions conjointes de santé publique adaptées aux besoins spécifiques des personnes qui pratiquent le chemsex. Une prise en charge sure, éthique et qui s’appuie sur des compétences doit être mise à disposition.

(En France, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives – Midelca – met en avant le guide « Aller vers les chemsexeurs » publié conjointement par l’association Aides et la Fédération Addiction, NDLR.)

  • Les stratégies de réduction des risques sont essentielles et doivent être axées sur l’auto-efficacité de l’individu. Elles peuvent être organisées en ligne, être multidisciplinaires ou sous la forme de thérapies de groupes. Toutefois, ces outils sont actuellement sous-développés.

  • Il faut éduquer et sensibiliser. Il convient d’enseigner les bases d’une santé sexuelle sure et d’un usage des drogues sécurisé. Il faut aussi s’engager dans des activités qui éduquent aux risques liés au chemsex et aux enjeux sanitaires.

  • Le soutien communautaire doit être encouragé, de manière à ce que des personnes concernées partagent les informations dont elles disposent et apportent leur soutien sur la base de leur expérience.

  • Les politiques de santé devraient aborder la consommation de drogue comme un problème de santé et non comme un crime. Il convient de minimiser la stigmatisation des personnes concernées et de faire preuve d’empathie à leur égard afin de les soutenir et de les accompagner. Une recommandation qui concerne tous les professionnels de santé.

  • Des recherches devraient être menées pour mieux comprendre ces dynamiques afin que les interventions puissent être efficaces. Les objectifs de l’Agenda 2030 comprennent la prévention et le traitement de la consommation de substances psychoactives et la fin de l’épidémie d’infections sexuellement transmissibles (IST) d’ici à 2030, en particulier parmi les groupes vulnérables tels que les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les migrants et les personnes LGBTQ+.

Finalement, le chemsex représente un défi complexe qui transcende l’individu pour devenir une question de santé publique, de droits humains et de justice sociale. Faire face aux risques liés à cette pratique requiert non seulement des interventions sanitaires et juridiques, mais aussi un changement dans la manière dont nous comprenons et soutenons les communautés concernées. L’éducation, la réduction des risques et l’empathie sont essentielles pour parvenir à des solutions réelles et durables.The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.