Île de Ré : une maison de famille colorée et articulée autour de trois jardins
Dans le golfe de Gascogne, au large des côtes aunisiennes, Sophie Brocart s’est fait construire une demeure paysagée, reflet de sa passion pour les constructions traditionnelles japonaises et les jardins contemplatifs.
Ré est une île. Les demeures rétaises, à l’origine habitats de sauniers, pêcheurs et vignerons, résultent d’un agrégat de bâtiments composites — logis, hangars à sel, voire chais — reliés par des cours. De même, les maisons traditionnelles japonaises s’articulent autour de jardins et patios. Toutes deux ouvertes vers le paysage, ces typologies de construction tendent à une grande fluidité entre intérieur et extérieur.
Personnalité un peu à part dans le paysage de la mode parisienne, présidant aujourd’hui au renouveau de la maison Patou, et œuvrant à l’accompagnement des lauréats du prix LVMH pour la jeune création de mode, Sophie Brocart aime interroger son époque, prendre la mesure de l’air du temps, analyser les évolutions des modes de vie. Sous des abords rêveurs et malicieux, la jeune femme se révèle être une personnalité forte, déterminée, perfectionniste. Longtemps cette Parisienne, toujours entre deux avions et à l’agenda bien rempli, a rêvé d’une maison de vacances tournée vers la nature, d’un lieu intime et préservé afin se retrouver en famille, entre amis.
Épaulée par l’architecte Jeanne Dumont et le duo de paysagistes Coache-Lacaille, elle a créé voici cinq ans son paradis secret, sorte de retraite dédiée au plaisir simple d’un quotidien partagé, sur l’un des rares terrains constructibles de l’île de Ré. « J’ai appelé ce lieu « La maison des trois jardins », car il s’organise autour de trois espaces verts distincts, assure l’heureuse propriétaire des lieux. Le premier, d’esprit tropical, avec des fougères géantes, des palmiers et de hauts bambous, s’avère une oasis de fraîcheur, l’été. Le second, plus sec, d’esprit californien, est planté de cactus parfaitement adaptés au terrain sableux. Sur le dernier, un jardin de dune, se déploient liserons, fleurs de sable, arbres fruitiers et même un immense mimosa, présent avant la construction de la maison et procurant un ombrage salvateur. » De grands pots en terre, initialement destinés à conserver le sel de l’île de Ré, ponctuent ces paysages intérieurs. La construction, comme ses cours et patios, se révèle peu à peu, au gré d’une déambulation. Pour accentuer encore l’effet de surprise procuré par des espaces toujours différents, Sophie Brocart a fait le choix d’un traitement coloristique tranché : un couloir rose, des chambres sauge au rez-de-chaussée, d’autres blanches à l’étage, un préau noir… « La maison s’articule autour de la cuisine et de la salle à manger qui forment le cœur même de l’habitat. C’est là que l’on prend plaisir à se retrouver tous ensemble. Mon mode de vie a pour beaucoup déterminé l’architecture même des lieux. Par exemple, à un canapé classique dans le salon j’ai préféré une banquette intégrée ; en vacances, c’est souvent allongé que l’on lit, regarde des films ou scrute le paysage. Ici, je m’abandonne pleinement à la contemplation.” Son plaisir ultime ? Enfourcher son vélo afin de filer admirer les vols d’oiseaux migrateurs. Au nord de l’île, dans la réserve naturelle de Lilleau des Niges, transitent chaque année, au printemps comme à l’hiver, bernaches, canards, gorgebleue ou encore aigrettes.
Hétéroclite dans ses engouements, curieuse et gourmande de tout, Sophie Brocart a pris le parti d’une décoration empreinte de fantaisie, résultant d’une libre juxtaposition de pièces de mobilier vintage chinées auprès d’antiquaires et de brocanteurs. Ainsi, dans la salle à manger, pour éviter tout formalisme, elle a bordé la table d’une sélection de chaises anciennes dépareillées. Dans le salon, tabourets africains et tapis marocains répondent à un lampadaire à l’abat-jour fleuri joliment désuet. « J’aime les accidents, ils rendent les espaces vivants, dynamiques, je ne pourrais pas vivre dans un espace zen, cela me glace par manque d’humanité. » La création contemporaine a également sa place dans cet intérieur vibrant. Les œuvres de talents qui lui sont chers, qu’elle connaît le plus souvent. Une tapisserie en raphia, aux motifs de fond marin, de l’artiste bruxelloise Natalia Brilli, orne un mur de la chambre principale. La vaisselle blanche et verte, comme les poteries du salon, sont signées de la céramiste Nicole Fichot. Lits, tables, bancs en teck recyclé ont été fabriqués par un artisan balinais. Au fil des rencontres, des découvertes, Sophie Brocart s’est façonné un lieu de villégiature à son image, ouvert aux influences du monde, plein d’esprit, pétillant.