Guerilla Song

Sylvain Charat retrace l’histoire du « Chant des Partisans », notre seconde Marseillaise… L’article Guerilla Song est apparu en premier sur Causeur.

Fév 3, 2025 - 01:38
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Guerilla Song

Sylvain Charat retrace l’histoire du « Chant des Partisans », notre seconde Marseillaise…


Genèse d’un hymne de résistance

Guerilla Song, tel fut le titre d’une chanson composée sous les bombes à Londres vers 1943 et qui, traduite et largement adaptée par deux écrivains français, futurs académiciens, allait devenir Le Chant des Partisans – la seconde Marseillaise – appelée à un succès phénoménal.

Qui ne connaît au moins l’entraînante première strophe : « Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ? Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?
Ohé partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme !
Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes » ?

Sylvain Charat, un jeune docteur en histoire de Paris-IV, a eu la bonne idée de retracer l’histoire de ce chant mythique. Son essai paraît dans la nouvelle collection de poche de La Renaissance française, vénérable institution fondée en 1915 par le président Poincaré, et dont le premier objectif était d’apporter la culture française aux régions alors en voie de reconquête, l’Alsace et la Lorraine. Après la Grande Guerre, l’autre objectif fut aussi d’édifier la paix en prônant le dialogue culturel et de défendre la culture française urbi et orbi.

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Bref et dense, l’essai retrace avec clarté la genèse du Chant des Partisans, composé à l’origine par une Russe blanche, Anna Marly, qui s’inspira d’une mélodie russe à l’origine dédiée aux combattants de l’Armée rouge. Dans un second temps, Guerilla Song, qui plut d’emblée aux soldats alliés, fut modifié et pour finir interprété, pour la BBC, par Germaine Sablon, célèbre chanteuse des années 30. Le texte est dû à la plume de deux Français d’origine juive, le torrentiel Joseph Kessel, l’ami de Mermoz, écrivain à succès depuis les années 20, et son jeune neveu, Maurice Druon, le futur auteur des Rois maudits, aidés des conseils d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie, chef d’un des plus importants réseaux de résistance, proche du Parti communiste (et même lié de près à l’URSS) et éphémère ministre du Général de Gaulle à la Libération. La petite histoire nous apprend que Kessel et d’Astier avaient en commun un goût prononcé… pour l’opium.

« On ne gagne les guerres qu’avec des chansons »

Ces trois hommes se retrouvent à Londres peu après l’occupation de la zone libre en novembre 1942. À leur grand désespoir, Kessel et Druon ne sont pas envoyés au combat comme ils le demandaient, mais priés de mettre leur talent littéraire au service de la France libre. Sage décision du Général, qui nous donne L’Armée des ombres, magnifique épopée de la résistance, que le génial Jean-Pierre Melville, un autre résistant (lui aussi d’origine juive) transposera avec un réel génie à l’écran avec les prodigieux Lino Ventura et Paul Meurice, sans doute l’un des plus beaux films sur la Résistance. Druon, le cadet, se contente d’éditer en le préfaçant un texte clandestin parvenu à Londres, Le Silence de la mer, que Melville traduira également en images inoubliables.

Sylvain Charat met bien en évidence le lien entre ce chant et l’unification progressive des mouvements de résistance, qui allait donner naissance au Conseil National de la Résistance, faisant, après la mort providentielle de l’Amiral Darlan, du Général de Gaulle le chef incontesté de la France combattante et l’unique interlocuteur des Anglo-Saxons comme des Russes.

Au moment où tout concorde, quand les Anglo-Américains débarquent en Afrique du Nord et que la Résistance s’unifie formellement sous l’égide de Jean Moulin, naît ce chant, composé en une après-midi de mai 1943 par Kessel, Druon et d’Astier, qui en est le concepteur, lui qui avait compris que « l’on ne gagne les guerres qu’avec des chansons ». Le mythe est né, et dès les premières radiodiffusions, qui traversent le brouillage allemand grâce au fait qu’une partie de l’air, par un coup de génie, en est sifflée, le Chant des Partisans cesse d’appartenir à ses créateurs pour devenir l’hymne d’un peuple en armes.

Sylvain Charat, Le Chant des Partisans, Éditions de la renaissance française, 156 pages

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