Coco perdu dans sa vieille solitude
Folio réédite en poche "Coco perdu", l’un des derniers livres de Louis Guilloux. Un texte étrange, surprenant et pas facile au premier abord, mais un opus bouleversant sur la vieillesse et l’absurdité de l’existence... L’article Coco perdu dans sa vieille solitude est apparu en premier sur Causeur.
Folio réédite en poche Coco perdu, l’un des derniers livres de Louis Guilloux. Un texte étrange, surprenant et pas facile au premier abord, mais un opus bouleversant sur la vieillesse et l’absurdité de l’existence.
Les éditions Folio ont la bonne idée de rééditer Coco perdu, de Louis Guilloux, avec une préface inédite d’Annie Ernaux. Non pas qu’il s’agisse du meilleur ouvrage du Breton de Saint-Brieuc (difficile de dépasser la densité et la puissance de Sang noir) ; mais il s’agit très certainement du plus étonnant, du plus singulier, en particulier dans la forme. Cette forme, justement, au début déroute, voire rebute ou, en tout cas, agace : un style parlé ou les formes négatives sont rognées, amputées, de l’argot à tire-larigot, des néologismes ; on se croirait chez Céline à part que Guilloux ne nous a point habitués à ça. C’est certainement pour cela qu’il a sous-titré de la formule « Essai de voix ». Et puis on s’habitue ; on se laisse faire ; on se laisse prendre, presque envoûter. Comme le rappelle Annie Ernaux dans son impeccable et efficace préface, « Sitôt paru, Coco perdu est unanimement salué par la critique comme un récit d’une étonnante modernité. On évoque Beckett, Joyce (…) Au vrai, on ne peut concevoir trame à la fois plus dépouillée et plus savante que celle de Coco perdu. »
Imbibé de désespoir
En fin de matinée, un retraité, Coco, accompagne Fafa, son épouse, à la gare. Avant de monter dans le train pour Paris, elle poste une lettre ; elle a préalablement refusé qu’il la dépose dans la boîte. Cela le tourmente, d’autant que le facteur, Charlot, ne passera pas avant lundi. Il est persuadé que la missive lui est destinée et qu’elle va lui annoncer un départ définitif. Il angoisse ; deux jours à tuer. C’est affreux cette impression de vide existentiel. Il ne sait pas quoi faire ; alors, il traîne dans la ville, tente de parler à ceux qu’il rencontre, ceux qu’il connaît parfois, ou qu’il ne connaît pas. Il y a là un ancien moine, vendeur de billets de loterie ; ici, M. Pradel, gros patron de bistrot débonnaire ; un peu plus loin, les sidis, les Algériens. Des gens du peuple, du vrai peuple passent, discutent, s’engueulent, fraternisent. L’action se déroule en 1977, l’année de l’arrivée de la musique punk en France ; le moment où le monde d’avant commence à ficher le camp. La télévision fait mal au cinéma ; au théâtre, Brecht nuit aux tournées Baret. Coco se sent vieillir ; il se sent vide. Ce livre est fort tant il est imbibé de désespoir. Lecteur au bord de la déprime, abstiens toi.
Coco perdu, Louis Guilloux ; folio ; 123 p.
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