Dieu existe, de Gaulle l’a rencontré!

La nouvelle pièce de Jean-Marie Besset est une « fantaisie politique » : De Gaulle apparaît en songe à Emmanuel Macron. Le titre est éloquent et les acteurs qui défendent ce texte sont excellents. À voir au théâtre Déjazet pour prendre un peu de hauteur… L’article Dieu existe, de Gaulle l’a rencontré! est apparu en premier sur Causeur.

Fév 5, 2025 - 01:08
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Dieu existe, de Gaulle l’a rencontré!

La nouvelle pièce de Jean-Marie Besset est une « fantaisie politique » : De Gaulle apparaît en songe à Emmanuel Macron. Le titre est éloquent et les acteurs qui défendent ce texte sont excellents. À voir au théâtre Déjazet pour prendre un peu de hauteur…


Ah ! de Gaulle ! S’il n’avait existé il eut fallu l’inventer. Mort, il faut de temps en temps le ressusciter. Adorer ce que l’on a haï, mais aussi parfois le contraire, est le deuxième sport national après la fraude fiscale. On le sait bien, les évidentes vertus morales mais aussi l’anti-américanisme quasi primaire du vieux saint-cyrien ont fait de lui une grande référence post-mortem de la gauche à la droite…

Coup de vieux

Avec certains comédiens, convoquer l’immense bonhomme, c’est l’affaire d’un claquement de doigt, tant avec eux l’habit fait le moine. Quand Stéphane Dausse endosse l’uniforme du vieux général de brigade, le père de notre Ve République est bien là, impeccable double de celui toujours planqué dans nos mémoires, et cette fois planté bien raide dans un rêve du président Macron qui s’abandonne dans un canapé de l’Élysée. Ce jeune homme orgueilleux dont le libéralisme atlantiste va peut-être vaciller un peu devant la statue du Commandeur.

Une fantaisie politique, nous prévient Jean-Marie Besset – né un 22 novembre et ipso facto « gaulliste de naissance », auteur inconsolable d’avoir perdu ses deux pères, convoquant déjà deux fois, dans sa première pièce Villa Luco puis plus récemment Jean Moulin, Évangile, l’homme de Colombey – qui organise une rencontre au sommet pour une comédie en forme de bilan. Ça sonne comme une bonne récré à Sciences-Po, possède les éclats polis du duel à fleurets mouchetés, ça navigue sans véritable tempête entre leçon de choses et leçon d’être, entre géopolitique et démagogie utile.

Mais c’est la nuit à l’Élysée, on suppose que dans l’au-delà tante Yvonne a accordé la permission de minuit au vieux général, Brigitte dort et le jeune président vieillit à la vitesse des chiens, chaque année à vouloir présider aux destinées des Français en vaut bien sept. Un homme volontaire, optimiste, qui pense finalement que quand le bâtiment va tout va et qu’en chaque Français (de souche ou pas), sommeille une start-up qu’il faut réveiller, mais qui commence à en rabattre un peu. Le Covid et les gilets jaunes, ça vous scie les pattes, la guerre en Ukraine, ça rebat les cartes.

Nicolas Vial dessine un Macron inquiet, mobile, nerveux, se débattant souvent dans son rêve. Il n’imite jamais – à quoi bon, alors qu’il a l’âge et la gueule du rôle ? – et nous donne à voir un président aimable autant qu’arrogant, insupportable et fragile, un président qui avoue dire parfois des conneries et ne pas être capable de toucher le cœur des Français. « Leur avez-vous dit que vous les avez compris ? », interroge le vieux général…

Éditorial facétieux

Mais la pièce n’est pas à réduire à la petite réunion corporatiste, aussi ludique et cocasse soit-elle, surtout quand de Gaulle esquisse un pas de danse sur la Cucaracha. L’enjeu semblant plutôt de prendre la mesure de ce qui a changé dans notre monde. De savoir si le dialogue est encore possible entre notre présent et notre passé proche, ce passé d’avant la mondialisation et l’ordinateur personnel, ce passé dans lequel les Russes – « Je savais que le mur tomberait, c’est pour ça que je ne les ai jamais appelés soviétiques. » – étaient chez eux en Ukraine ?

Écrite sur une ligne claire – comme on dit de la bonne bédé belge – la pièce est agréable, confortable, lisible, souvent drôle, mais au-delà du divertissement, de ce petit quizz pour deux grosses têtes, nous interroge, nous demande de remettre nos propres idées au clair.

Le public rit beaucoup, il faut dire que les deux acteurs, excellemment mis en mouvement et en verve par Lionel Courtot, et très bien rôdés par une saison dans le Off d’Avignon, jouent avec un plaisir évident cette partition heureuse. Heureuse comme un éditorial facétieux plus que comme un pamphlet politique. Car il y a un côté « bien élevé » chez Jean-Marie Besset qui paraît franchement indélébile.

Et puis surtout sur la fin, la joute prend un peu l’air et s’envole, de la politique à la métaphysique il n’y avait donc qu’un pas. Et à disposer d’un mort, autant lui poser franchement la question. Faut-il vraiment s’en tenir au hasard et à la nécessité ?

La légèreté de la pièce alors devient grâce et, pour Jean-Marie Besset, la place du doute est réduite comme peau de chagrin : Dieu existe et de Gaulle l’a probablement rencontré !

Félicitons donc l’éternel non-aligné Jean Bouquin de présenter cette pièce facétieuse dans son merveilleux théâtre Déjazet, hanté par tant de fantômes.

De Gaulle apparaît en songe à Emmanuel Macron, fantaisie politique de Jean-Marie Besset. Théâtre Déjazet, à partir du 4 février, du mardi au samedi à 20h30, les samedi et dimanche à 16h. Renseignements et réservations : http://www.dejazet.com/

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