Alzheimer, addictions, dépression… les effets bénéfiques de l’Ozempic et des médicaments apparentés
Les médicaments GLP-1 sont efficaces pour traiter le diabète et l’obésité. Ils pourraient l’être aussi pour lutter contre de nombreuses autres affections. Néanmoins, des effets indésirables existent.
Initialement utilisés pour traiter le diabète, l’Ozempic et les médicaments appartenant à la même famille se sont avérés très efficaces pour perdre du poids. Leur intérêt ne s’arrête pas là : des travaux récents suggèrent qu’ils pourraient aussi avoir des effets bénéfiques dans de nombreuses pathologies, de la maladie d’Alzheimer aux addictions, en passant par l’asthme, l’arthrose ou la BPCO.
Attention toutefois à ne pas les considérer comme une panacée, car ils peuvent également faire courir un certain nombre de risques.
Depuis quelques années, l’Ozempic (semaglutide) fait beaucoup parler de lui. Ce médicament, utilisé à l’origine pour traiter le diabète, a accédé à la célébrité à partir du moment où son efficacité en matière de perte de poids a été remarquée. Cette décision a marqué le début d’une nouvelle ère pour la classe de médicaments à laquelle appartient l’Ozempic : les agonistes du peptide-1 de type glucagon (GLP-1).
Wegovy, Mounjaro, ou encore Zepbound… Depuis cette décision, plusieurs autres noms sont venus allonger la liste des agonistes du GLP-1 utilisables pour lutter contre l’obésité. À l’heure actuelle, 1 adulte nord-américain sur 8 déclare avoir déjà eu recours à un médicament de cette famille, et selon les prévisions, il est probable qu’en 2030, 1 sur 10 les utilisera.
On sait désormais, grâce à des recherches menées au sein de notre laboratoire ainsi que dans d’autres instituts de recherche, que l’intérêt des médicaments « GLP-1 » pourrait s’étendre bien au-delà de la seule perte de poids. Ces molécules pourraient avoir des effets sur des dizaines d’autres affections, notamment certains troubles cognitifs ou certains problèmes d’addiction.
Cependant, mes collègues et moi-même avons découvert qu’elles peuvent également présenter des effets indésirables, et faire courir des risques jusqu’à présent insoupçonnés.
Un impact sur près du quart des affections étudiées
En tant que médecin et scientifique, je dirige un centre d’épidémiologie clinique dont l’objet est l’étude des principales problématiques de santé publique. Mon équipe s’efforce, entre autres choses, de produire des connaissances afin de combler les lacunes qui existent en matière de connaissances concernant de sujets aussi divers que le Covid-19, le Covid long, la grippe, les vaccins, ou encore l’efficacité et les effets indésirables des médicaments les plus couramment utilisés.
Le 20 janvier 2025, nous avons publié une étude évaluant les bénéfices et les risques liés à l’utilisation des médicaments GLP-1. Les données que nous avons analysées portaient sur plus de 2,4 millions de personnes et 175 affections différentes.
Nos travaux ont révélé que ces médicaments réduisent les risques de survenue de près du quart des pathologies étudiées (42 sur 175), au nombre desquelles certains troubles neurocognitifs tels que la maladie d’Alzheimer ou la démence, des problèmes d’addiction, ou encore certains troubles de la coagulation, pour ne citer que quelques exemples.
Malheureusement, nous avons également constaté que les médicaments « GLP-1 » entraînent des effets secondaires importants et augmentent le risque de 19 affections, parmi lesquelles certains troubles gastro-intestinaux, les calculs rénaux ou la pancréatite aiguë (une pathologie se traduisant par une inflammation et un dysfonctionnement du pancréas).
Des bénéfices cognitifs
L’un des bénéfices les plus importants mis en évidence par nos travaux est la réduction, chez des personnes prenant des médicaments GLP-1, du risque de troubles neurodégénératifs (y compris maladie d’Alzheimer et démence). Ces résultats sont cohérents avec ceux qui avaient été obtenus par d’autres scientifiques.
Certaines études précliniques avaient notamment démontré que ces médicaments sont capables de réduire l’inflammation cérébrale et qu’ils améliorent la formation et le renforcement des connexions entre neurones, ce qui a pour effet d’améliorer leur communication, et contribue à atténuer le déclin cognitif. Deux autres études ont également révélé que les patients traités avec un médicament GLP-1 pour le diabète couraient un moindre risque de développer une démence.
Tous ces résultats plaident fortement pour un potentiel usage thérapeutique des médicaments GLP-1 dans la prise en charge du déclin cognitif. Les effets de ces molécules sur les premiers stades de la maladie d’Alzheimer sont d’ores et déjà en cours d’évaluation (via des essais randomisés contrôlés – la référence en matière d’évaluation des nouveaux usages des médicaments). Les premiers résultats sont attendus dans le courant de l’année 2025.
Une diminution des addictions et des pensées suicidaires
Les médicaments GLP-1 atténuent également les troubles liés à la consommation de diverses substances addictives telles que l’alcool, le tabac, le cannabis, les opioïdes et les stimulants. Cet effet pourrait s’expliquer par la capacité de ces médicaments à moduler divers circuits neuronaux (ceux de la récompense, du contrôle des impulsions) et à réguler l’inflammation cérébrale.
L’efficacité des médicaments GLP-1 en matière de réduction des comportements addictifs pourrait participer de leur spectaculaire succès en tant que molécules antiobésité. En effet, cet état pathologique chronique est considéré par beaucoup comme un trouble d’addiction à la nourriture.
Nos travaux ont également révélé que leur prise est associée à une diminution des pensées suicidaires et des comportements autodestructeurs. Ce résultat est intéressant, car une procédure de signalement faisant état de la survenue de tels pensées et comportement chez des utilisateurs de médicaments GLP-1 avait mené l’Agence européenne des médicaments à analyser l’ensemble des données disponibles sur le sujet.
La conclusion de ces travaux est qu’il n’existe à l’heure actuelle aucune preuve d’un risque accru de suicide chez les utilisateurs de médicaments GLP-1. Au contraire, nos résultats, comme ceux de deux autres études, indiquent que ces molécules réduisent ledit risque.
Plusieurs autres avantages
Les médicaments GLP-1 réduisent également les risques de survenue d’événements cardiovasculaires et d’atteintes rénales. Au-delà de cet effet bien documenté, notre étude a aussi révélé que ces médicaments diminuent aussi les risques de coagulation sanguine, ainsi que de thrombose veineuse profonde et d’embolie pulmonaire.
Lors de nos travaux, un résultat nous a particulièrement intrigué : nous avons découvert une association entre l’utilisation des médicaments GLP-1 et la diminution du risque de maladies infectieuses, telles que la pneumonie et la septicémie.
Une autre étude récente avait déjà révélé que les médicaments GLP-1 réduisaient la mortalité « toutes causes confondues », et que cette diminution était le résultat d’une réduction des décès résultant d’accidents cardiovasculaires, ainsi que de ceux dus à des causes infectieuses, principalement le Covid-19.
Cette observation est particulièrement importante, car contracter le Covid-19 est considéré comme un facteur de risque cardiovasculaire significatif. Reste désormais à déterminer si la prise de médicaments GLP-1 peut contrebalancer entièrement le risque accru de maladies cardiovasculaires associé à cette maladie.
Les médicaments GLP-1 pourraient également s’avérer utiles dans le traitement de la stéatose hépatique ainsi que de diverses autres affections allant de l’asthme à la bronchopneumopathie chronique obstructive, en passant par l’apnée du sommeil, l’arthrose, la dépression et certains troubles oculaires.
Des risques à long terme qui restent à évaluer
Malgré l’étendue de leur potentiel thérapeutique, les médicaments GLP-1 ne sont pas sans risque. Leur prise est associée à divers effets indésirables, et notamment des troubles gastro-intestinaux : nausées, vomissements, constipation, ou encore reflux gastro-œsophagien).
Notre étude a également identifié l’accroissement de plusieurs autres risques : hypotension artérielle, troubles du sommeil, maux de tête, formation de calculs rénaux ou maladies de la vésicule biliaire et des voies biliaires.
Nous avons par ailleurs observé une augmentation des risques d’inflammation des reins et du pancréas d’origine médicamenteuse, deux affections graves qui peuvent être à l’origine de problèmes de santé à long terme. Il est donc particulièrement important que les personnes qui prennent des médicaments GLP-1 fassent l’objet d’un suivi médical.
Ces effets indésirables, ainsi que, dans certains cas, le coût exorbitant de ces médicaments, expliquerait pourquoi un grand nombre de patients arrêtent leur traitement. Cet abandon est problématique, car il peut s’accompagner d’une prise de poids rapide. L’obésité est en effet une maladie chronique. Les médicaments GLP-1, bien qu’efficaces pour la traiter, ne s’attaquent pas à ses causes sous-jacentes et aux dysfonctionnements métaboliques qui l’accompagnent.
Par conséquent, ils doivent être pris sur le long terme pour éviter la reprise de poids. Or, de nombreuses questions subsistent quant à leur efficacité sur de longues durées, aux risques potentiellement associés à de tels traitements, ainsi qu’aux différences qui peuvent exister entre différentes formulations de médicaments GLP-1. Orienter les pratiques cliniques nécessitera d’apporter des réponses à toutes ces interrogations.
Ziyad Al-Aly reçoit des financements du U.S. Department of Veterans Affairs.