La circulaire Retailleau, trompe-l’œil de la fermeté

« C’est une circulaire de fermeté et je l’assume totalement ». C’est par ces mots que Bruno Retailleau présentait sa circulaire d’admission exceptionnelle au séjour (AES) abrogeant de facto la fameuse circulaire Valls dite « de régularisation ». De concert, gauche bobo et intelligentsia des patrons en vue ont poussé des cris d’orfraie à l’idée de ne plus trouver sur le marché du travail employés de maison, cuisiniers et autres plongeurs… Mais les postures de fermeté font-elles les actes ? L’article La circulaire Retailleau, trompe-l’œil de la fermeté est apparu en premier sur Causeur.

Fév 5, 2025 - 17:24
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La circulaire Retailleau, trompe-l’œil de la fermeté

« C’est une circulaire de fermeté et je l’assume totalement ». C’est par ces mots que Bruno Retailleau présentait sa circulaire d’admission exceptionnelle au séjour (AES) abrogeant de facto la fameuse circulaire Valls dite « de régularisation ». De concert, gauche bobo et intelligentsia des patrons en vue ont poussé des cris d’orfraie à l’idée de ne plus trouver sur le marché du travail employés de maison, cuisiniers et autres plongeurs… Mais les postures de fermeté font-elles les actes ?


Une circulaire n’est pas une loi

Parce qu’elle n’est pas une loi, cette circulaire ne revêt aucun caractère obligatoire et ne consiste qu’en des recommandations en vue d’harmoniser les pratiques préfectorales. En 2020, huit ans après l’entrée en vigueur de la circulaire Valls, la Cour des comptes constatait toujours une grande disparité de décisions préfectorales en matière de régularisation. La circulaire Retailleau n’y échappera pas : selon leur situation sociale ou géographique, les départements auront des appréciations différentes de la nécessité des régularisations.

Les « priorités du gouvernement », Valls, Retailleau, même combat

Le lecteur attentif relèvera que les « les priorités du gouvernement », en préambule des recommandations de l’actuel ministre de l’Intérieur, relèvent du même champ sémantique que celles de la circulaire Valls de 2012 : dans les deux cas, lutte contre l’immigration irrégulière et renforcement de l’intégration. A ce stade, on cherche encore les indices de la fermeté affichée ; le diable se cache peut-être dans les détails… de la titrologie. Courte, la circulaire Retailleau se veut efficace. Deux pages et demie, pour trois idées directrices à analyser en détail.

« Recentrer » la procédure d’AES sur son caractère exceptionnel

Les dix lignes qui suivent ce titre volontariste prescrivent de ne procéder à des régularisations qu’à titre exceptionnel et de « prendre en compte les évolutions législatives régissant l’obtention d’un titre de séjour ». Explication : depuis la circulaire Valls, plusieurs des situations énumérées (victimes de la traite d’êtres humains, de violences conjugales…) ont été intégrées au code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et ouvrent droit à des régimes de régularisations propres ; ce faisant, elles ne relèvent plus d’une appréciation dans le cadre d’une régularisation par le biais d’une autorisation exceptionnelle au séjour. La circulaire Retailleau rappelle donc aux préfets de tenir compte de ces avancées législatives en n’encombrant pas la filière AES. Il s’agit de faire entrer le bon flux, par le bon tuyau. Pas de réduire ledit flux.

Tenir compte du niveau d’intégration

Conscient que l’opinion placera le curseur de la fermeté sur ce point, la circulaire présente trois mesures-chocs : un contrat d’engagement aux valeurs de la République, la maîtrise de la langue française, une durée de présence d’au moins sept ans sur le territoire national. En réalité, aucun de ces trois axes ne constitue une condition indispensable à la régularisation… La capacité linguistique « devra être apprécié(e) favorablement », et la présence d’au moins sept ans sur le territoire national, loin de fixer une exigence, est considérée « comme l’un des indices d’intégration pertinent » … La circulaire Valls elle-même retenait cette durée de sept ans pour un certain nombre de régularisations…

Garantir la préservation de l’ordre public ou le point d’orgue du faux semblant

En termes martiaux, la circulaire Retailleau annonce que « sont exclus du bénéfice de la présente circulaire les étrangers dont la présence en France constituerait une menace à l’ordre public ou qui se trouveraient en situation de polygamie ». C’est au mot près ce que la circulaire Valls stipulait. En réalité, la seule nouveauté de la circulaire Retailleau concerne les étrangers qui se verront refuser la régularisation et à qui sera notifiée une obligation de quitter le territoire national (OQTF). Les déboutés de la régularisation viendront donc grossir les rangs des immigrés clandestins, déboutés de leur demande d’asile par exemple, qui resteront sur le territoire. On attend impatiemment les instructions de Beauvau quant à leur éloignement effectif… En définitive, le constat est cruel. La machine à régulariser continuera à battre son plein, en dépit du narratif politiquement convenu. Une fois passée l’illusion de la fermeté, l’opinion publique finira par réaliser que les mots ne font pas des actes, quand la volonté n’y est pas.


Les Horaces sont un cercle de hauts fonctionnaires, hommes politiques, universitaires, entrepreneurs et intellectuels apportant leur expertise à Marine Le Pen, fondé et présidé par André Rougé, député français au Parlement européen •

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